
voyage vers Ferrals à travers la France
En plein déconfinement, Grand mère décide de traverser la France par l'ouest pour arriver sur les terres des Ferrés : Ferrals les Corbières !
2021VOYAGES VÉLO-BIVOUAC
Voyage à Ampuria Brava :aller voir Marin
D’Auray à Redon, je suis allée en train. Jamais plus je ne le ferai. Une horrible contrôleuse percluse de jalousie à l’idée que je partais me promener m’a reproché de vivre (le wagon était vide). Puis à Vannes des voyageurs sont montés et il a fallu que je satisfasse la curiosité générale. Une jeune femme avec un sac d’où émergeait une plume de paon m’a dit que des gens comme moi lui redonnaient confiance dans l’humanité
A Pontchateau
Je roulais contre un vent debout bien conséquent. Aussi quand je vis un grand menhir dressé au bord de la route, j’en profitai pour m’arrêter. Mais la pierre n’était pas ancienne. Elle était juste destinée à perpétuer la mémoire de ces pauvres jeunes gens qui étaient venus d’au-delà de la mer périr en terre étrangère.


Une bonne occasion pour s’arrêter car une magnifique prairie fleurie s’offrait à moi juste en face. La pluie tenta de me déranger mais cet effort fut vain. Le lendemain, je dis adieu à mes amis les aviateurs et je repris la route. Mon Dieu, mon Dieu quelle journée ! J’approche de Saint Nazaire par une piste cyclable d’où je contemple ce que je ne vois jamais dans mon Carnac de carte postale : sous les nuages gris et mouillants, un paysage industriel où ne manque même pas une torchère. Et puis je roule dans une banlieue ouvrière où les petites maisons grises affirment la réussite modeste dans une vie modeste de leurs courageux propriétaires. Il faut bien maintenant que j’affronte le pont. Il est juste question de ne pas se faire désarçonner par les rafales. Tout juste si je peux tourner la tête pour admirer le panorama. En fait, non, je ne peux pas courir le risque de zigzaguer. Au sommet, le vent est impitoyable mais bientôt je descends vers les confortables résidences secondaires de St Brevin.








Tout est différent à St Brevin, tout y parle de gentilles vacances et de chateaux de sable. Mais en attendant, c’est la tempête. Heureusement, une forêt me met partiellement à l’abri de ce vent infranchissable et un confortable véloroute, bien balisé me prend en charge.
Suis bien-je en Vendée, facile et hospitalière ? Il faut fuir la mer et les étendues plates mais tout va bien, le véloroute s’en charge. Vers Pornic, il se met à faire du soleil et puis, mystère d’un itinéraire qui n’est pas rectiligne, le vent fait semblant de me pousser. Je calcule qu’à Pornic, puisque nous sommes à peu près déconfinés , je prendrai un café en terrasse. Pour une heure ou deux, ce plan est ma raison de vivre. Mais le destin et la technologie en décident autrement. Ma route (brave GPS) passe au large de Pornic mais au bout du compte mon vœu sera réalisé quand même à La Bernerie. Le voilà le petit bourg des grandes vacances enfantines et je pourrais m’acheter un saut et une pelle pour faire un château de sable.






Comme l’estuaire est gris, comme le bateau en construction est gigantesque.
Mais après mon premier café de déconfinement (mais ne pas oublier son masque), confiante dans les promesses d’une route plate et pittoresque, je fonce. Je suis dans le Marais breton, un polder sillonné par des canaux et des écluses. Voilà qui va bien, je passe près de Moutier en Retz, où j’ai rendu visite à mes petites filles, et quelle étrangeté du paysage. Mais tout est parfaitement plat, et le vent de face est déchaîné au point de m’empêcher d’avancer. J’ai faim, aucun abri pour récupérer des forces, j’aperçois un village au loin mais encore faut-il pouvoir m’y traîner et c’est alors que je tombe sur une oasis. Un portail grand ouvert, une assez grande maison, je crois être arrivée à un gîte, je sonne, une dame aux beaux yeux bleus m’ouvre immédiatement, et je suis autorisée à planter ma tente dans un grand jardin plat à peu près à l’abri de la maison et d’un camping car. Sauvée. Je n’ai plus qu’à contempler les jeux de la lumière sur l’herbe qui ondoie comme une mer.
Le lendemain, le propriètaire m’invite à déjeuner. C’est un ostréiculteur et nous parlons huîtres et voyages. Avec leur bateau, ils ont navigué sur les canaux. Je reçois en cadeau deux petits jouets en bois qui sont maintenant à Ferrals chez Catherine Rousset. Toute gaillarde, je repars. Le vent a faibli et changé de direction. Je suis bientôt à Challans au beau milieu d’un marché. Je me régale de je ne sais plus quoi, assise par terre. Je mets le cap sur St Gilles Croix de Vie avec une idée en tête : prendre un café sur le port. Pendant une heure ou deux, c’est le but de ma vie. Et voyez comme les rêves se réalisent. Il y a du soleil sur St Gilles et aussi des cafés et même un port.




Je l’ai eu, mon café sur le port et comme je suis sur un véloroute, je fais la conversation avec deux voyageurs en tandem type Chaloin qui m’annoncent une superbe route vers les Sables d’Olonne. Pourtant , ça commence mal. Me voici sur une départementale pleine de voitures. Mon GPS me trahirait_il ? D’habitude, il pèche par l’excès inverse. Mais avec ces canaux partout, il n’a peut-être pas le choix et effectivement, je tombe tout d’un coup sur le bord de mer et le spectacle d’une immensité radieuse et différente quoique très boueuse : la tempête a remué la vase. Mais le contraste avec ma route de ce matin est saisissant. C’est ce qui fait le charme du voyage en vélo : chaque instant est éternel, chaque paysage unique, chaque souci taraudant (trouverai-je de l’eau ?) chaque solution exaltante. Bref, je glisse sans histoire entre les dunes et les vagues sur un chemin bien aménagé. Et puis se présente un charmant petit port sur une rivière, et puis une forêt et puis il faut croire, bientôt, viendront les Sables d’Olonne.
Je me croyais déjà arrivée, L’après midi, les kilomètres sont beaucoup plus longs. La grande erreur, mais je la fais sans arrêt, c’est de fantasmer sur une progression facile et rapide mais c’est justement là que tout se complique. Non, je n’étais pas aux Sables d’Olonne mais à Olonne : ne confondons pas. Il s’en faut bien de 10 kms. Et puis, il y eut une déviation. Pour mon fidèle compagnon le GPS, c’est une catastrophe. La pauvre bête, fidèle et besogneuse n’est pas très intelligente. Il se mit à faire n’importe quoi si bien que je le stoppai. Mais, vengeance de l’engin, sans lui, je me voyais jetée sur une intolérable quatre voies dans une banlieue énorme avec de gigantesques magasins. Toute penaude, je le remis en marche. Il bouda, se mit en grève. Après mille manières, il consentit à faire son job et je me faufilai par des petites rues anciennes jusqu’au port.


J’aurais dû être contente mais je fus saisie de mon humeur SDF. Et pourtant, j’étais stationnée là où les voitures ne peuvent pas le faire, le long des bateaux de pêche et, miracle, en face d’un carrefour city où j’ai pu m’acheter du raisin et un beefsteak haché que j’ai la chance de ne consommer que cru. Ces goûts de sauvage aident. En véritable marginale, je me suis acheté une petite bouteille de vin car j’ai le Kre-bouchon , cadeau de Céline. Il était temps de me trouver un bivouac et je repris la route en pensant à la coupe du monde de fun board que Céline a courue il y a bien longtemps. Mon sentiment de solitude disparut aussitôt que j’eus quitté les lieux civilisés. Je couchai dans une forêt lègère à l’ambiance méditerranéenne où après avoir bu mon vin, fumé mon cigare je me jetai sur ma liseuse pour continuer la lecture de « La guerre et la paix »
Mercredi 26 Mai.
Dès mon réveil, comme d’habitude, il me tarde de reprendre la route. Je suis gâtée, je roule sur une piste cyclable toute douce, sous un ciel gris tout doux aussi. Je traverse un village avec une boulangerie et un café pour compléter mon bon petit thé du matin. Le GPS m’emmène je ne sais pas où et c’est pourquoi je l’aime tant. Laisser la vie se dérouler sous mes roues sans intervention de ma part, c’est mon dada. Et bien justement il m’emmène à Longeville là où Clémenceau, l’improbable ami de Monet essayait de faire pousser un jardin. Et je me dis qu’il n’avait pas tant de mérite car autour de moi, tout est vert .Que ce village est charmant avec ses toutes petites maisons posées le long de toutes petites rues. Je photographie ma première église vendéenne mais je laisse passer tout ce qui fait l’ambiance de ce joli bourg mais il y a trop à faire et à voir. Je ne peux pas tout assimiler.




A 11 heures 30, je découvre que je suis à l’orée du Marais Poitevin. C’est une bonne nouvelle car je ne suis pas si bête. Je le surveille mon besogneux petit GPS grâce à mon smart phone qui est moins poétique mais aussi beaucoup moins myope. Je l’ouvre de temps en temps pour avoir des nouvelles de ma position et de son contexte et j’avais justement repéré que suivre la côte de trop près n’était pas une bonne idée. Il n’y a pas grand-chose à voir sur cette photo sauf que justement, il y a une vingtaine d’années, Jippy et moi, nous avions fait une halte à Maillezais, chez Rabelais, et que nous nous étions fait promener sur les infinis canaux. Je m’étais posée la question de ce qui se passait au bord de la mer. Et pile, j’ai la réponse. Je l’aurai bien meilleure dans quelques kilomètres car je débouche sur de grands espaces traversés par des canaux que je passe sur de beaux petits ponts.


Hélas, je ne veux pas m’arrêter toutes les cinq minutes pour photographier. Le temps est gris, il y a du vent mais pour une fois, je l’ai dans le dos.
Contrairement à ce que j’ai vécu dans le Marais Breton, tout n’est pas totalement plat. Il y a des buttes et sur ces points hauts des villages. Par exemple, ici à Triaizé, je monte pour trouver ce bourg enroulé autour de sa belle église. Ajoutons cependant que ce n’est pas pour autant que je vais trouver à manger. De notre temps, les épiceries ont disparu des villages même assez importants. Le pauvre voyageur est obligé de s’organiser. Par contre, partout, il y a de grandes croix un peu obscènes d’où un Christ assez beau garçon pend . Est-ce un souvenir des Chouans ?. La Loire Atlantique est défigurée également par ce genre de témoignage d’une religion conquérante.
A 16heures trente, ce n’est pas l’heure mais je m’arrête. Le vent assez fort est de face. Je m’approche de La Rochelle. J’ai roulé sur un tronçon d’une route trop passante, puis bifurqué sur des voies secondaires qui sautent par-dessus des canaux. Mais, comme je l’ai déjà dit, l’après-midi, les kilomètres sont interminables. Je pense à me poser, toutefois sans conviction quand je stoppe debout sur les freins. Je viens d’apercevoir une trouée dans les hautes herbes qui longe un canal. Une barrière maintient les voitures au-dehors, un écriteau annonce je ne sais quoi. Bingo, c’est chez
moi. J’aime planter la tente parmi les fleurs et c’est le cas. J’ai le choix entre plusieurs carrés et je choisis celui qui est le moins en vue car quelques voitures stationnées devant la barrière me perturbent. Leurs possesseurs ne tardent pas à arriver. Ils sont bizarres, ils n’ont pas de canne à pêche. Et pourtant, ils sont vêtus de kaki avec des casquettes ou chapeaux à large bord. Ils marchent d’un air satisfait, me jettent un regard dénué de curiosité et passent leur chemin. Je vois que leur chargement est composé de tout ce qu’il faut pour faire de belles photos .Moi-même, une fois installée, je me mets en devoir d’explorer le pays. Des fleurs, il y en a, je ne suis pas privée. Mais comme il est tôt, je vais voir plus loin en suivant le canal. J’aperçois une écluse assez puissante, je grimpe quelques marches et c’est l’éblouissement. Je domine l’immense baie de l’Aiguillon.
Tout au fond, il y a la mer et juste devant, la steppe.




Le lendemain, je reprends la route curieuse de savoir si mon GPS à qui j’ai demandé de me conduire à Rochefort va me faire passer au large de La Rochelle. C’est ce qu’il fait. Chemin faisant, il me fait passer dans un village où dans une supérette, je peux m’acheter toutes sortes de bonnes choses . C’est Dompierre sur Mer mais il n’y a pas la mer. C’était un vœux pieux. Mais qu’importe ? C’est comme si on disait Ploemel sur Mer. Drôle, n’est-ce pas. Puis, je trace sans histoire sur une route banale, agréable. Et puis, changement d’atmosphère. Piste cyclable, coquelicots, blés en train de mûrir, platanes et tilleuls. Je suis à Rochefort. Je me faufile dans les petites rues avec leurs petites maisons collées les unes aux autres. Je ne peux pas tout visiter aussi je vais à l’essentiel : le fameux transbordeur du fameux film de Demy : les demoiselles de Rochefort. C’est mieux qu’au cinéma car je suis dans un décor de coquelicots et de ravissantes petites maisons blanches. La Charente est à marée basse. Un seul voilier se promène parmi les roseaux.


Naturellement, je passe la Charente sur ce fameux ouvrage. Je fais la conversation avec deux gamines qui vont également à Bordeaux. Parmi nous s’immisce l’inévitable bavard qui nous saoule avec ses explications sorties toutes fraîches de wikipedia .Puis, c’est la campagne toute fraîche qui monte et qui descend mais qu’importe. Dans un village appelé St Sulpice d’Arnoult, je fais le point devant une belle église château-fort.


Naturellement, je passe la Charente sur ce fameux ouvrage. Je fais la conversation avec deux gamines qui vont également à Bordeaux. Parmi nous s’immisce l’inévitable bavard qui nous saoule avec ses explications sorties toutes fraîches de wikipedia .Puis, c’est la campagne toute fraîche qui monte et qui descend mais qu’importe. Dans un village appelé St Sulpice d’Arnoult, je fais le point devant une belle église château-fort. Calme et solitude, je me sens vraiment bien. Mais suis- je loin de Royan ? Car, quelque soit le charme de la route, il faut que j’avance. Et ensuite, j’arrive dans un très bel endroit qui s’appelle le Goâ. C’est un nom qui sent la mer donc une route bien plate. Mais que non ! C’est juste un joli village avec des restaurants qui me tenteraient bien mais je n’ai pas assez faim. Par contre, la lumière donne en plein sur un clocher ravissant. Par contre, j’ai du mal avec mon bivouac. Je finis par dégotter un coin tranquille à la bordure d’un champ de blé mais sur un chemin. Heureusement, personne n’y passe et ce n’est pas encore le temps de la moisson.
Vendredi 28 Mai.
Joyeux voyage jusqu’à Royan. Propre, bien habillée, bonnes jambes. Je me suis préparée à passer la Gironde. Surprise, j’ai encore traversé un marais, peut-être un marais salant, en tous les cas un endroit pour faire pousser les huîtres. C’est fou comme on ne connaît pas la France car enfin, je suis
déjà venue à Royan .
Sur mon chemin, je trouve à satisfaire mon goût pour les œuvres d’art.
Et puis, je me mets en devoir de prendre le bac ce qui ressemble à s’embarquer sur une autoroute. Adieu, la solitude. Un vieux monsieur avec sa femme plus jeune examine mon attelage d’un air compétent, approbateur même . Lui-même a voyagé dans l’Est de l’Europe en tandem avec sa femme. Et le retour ? pas de problème, il laisse son équipement sur place chez quelqu’un et à l’année prochaine. Et il faut absolument que je m’inscrive sur un site d’entr’aide entre voyageurs en vélo pour trouver du secours le cas échéant. Naturellement, je n’ai pas retenu le nom de son site .J’ai aussi une conversation avec un jeune homme à l’accent du midi qui tire une énorme remorque. « On prend toujours trop de bagages ! »De l’autre côté de la Gironde se produit un petit miracle. Je me trouve assise à l’ombre à une table avec un coca cola et j’attends paisiblement un bon repas chaud. Elle n’est pas belle la vie ? Mais la journée n’est pas finie, tant s’en faut.
A ma grande surprise, le GPS m’emmène sur le véloroute qui mène à Hendaye. Je le laisse faire. Il doit savoir et j’aime bien laisser la vie se dérouler au hasard. Je verrai plus tard. Et par ma foi, la route est superbe. Il fait beau, sous les pins il fait frais et je débouche plus d’une fois sur la mer où je pourrais me baigner sauf que je préfère avancer. A Soulac, le front de mer est encombré par le sable qui s’est accumulé lors de la tempête récente. Et je file sous le soleil ou à l’ombre des pins. Je file sans souci. La piste cyclable est sans défaut. Je m’approche de Montalivet et je rêve aux belles vacances d’autrefois avec mes parents. Je ne reconnais rien. Je ne vois que des pins et d’énormes campings. Il faudrait bien que je m’arrête au centre ville de Montalivet pour faire quelques provisions mais j’avance et je rêve et je rate le bourg. Qu’à cela ne tienne, je continue ma route enchantée. Pourtant, brusquement, je me rends compte qu’il ne fait plus beau . Il faut que je réfléchisse. J’ouvre le téléphone qui annonce des orages, alerte rouge. D’ailleurs, le ciel est très bas et le vent souffle, un indicateur très inquiétant. Je suis absolument seule au milieu des pins monotones. D’un seul coup, j’ai peur. Je décide de me rapprocher de la civilisation et d’une route plus directe. Je mets le cap sur Lesparre médoc. Une départementale déserte m’y conduit. Je pédale à toute allure. C’est plat mais je me fatigue. Quand j’arrive enfin dans des lieux habités, il se met à pleuvoir. Je repère une espèce de promenade au pied d’un château agrémentée par un joli ruisseau où je pourrai puiser de l’eau pour me laver et boire grâce à ma pipette de survie mais il serait plus judicieux de trouver un camping ou même un hôtel. Je passe dans le joli centre ville agrémenté des commerces classiques : banques coiffeurs, toilettage pour chiens. Mais rien à manger. Ayant consulté le téléphone je réussis à trouver un magasin, mais il est bio. J’entre quand même. Il ne propose que des graines. Je réussis quand même à découvrir des bananes et du lait de soja. Maintenant, il me faut passer la nuit. Pas de camping, ils sont tous au bord de la mer ou de la gironde. Je finis au bivouac que j’ai repéré. Je plante la tente le plus loin possible des humains mais c’est l’heure où ils promènent leur chien. Je ne les dérange pas. Ils ne jettent sur la pauvre SDF qu’un regard totalement indifférent. J’ai passé une bonne nuit. Pas si pourri mon bivouac.


Samedi 29 Mai
Un rien déprimée, je reprends la route vers Pauillac .On ne sait pas pourquoi, le GPS a des vapeurs. Je le ferme et continue en suivant les indications de la départementale. Il fait beau maintenant et j’arrive dans ce joli bourg où je prends un café chez un Arabe qui me fait la conversation. Toujours ignorant le GPS, je suis la Gironde mais finalement, ce n’est pas si facile et puis zut, je donne une seconde chance à la machine. Il me fait suivre une quatre voies pendant quelques kilomètres et puis, ouf, je suis de nouveau sur une toute petite route solitaire. Je trouve de l’eau dans un cimetière et je n’ai plus qu’à admirer les vignes et leur château. Je suis contente de ma route maintenant. Mais j’approche dangereusement de Bordeaux. Tout est peuplé. Il faut que je me case avant de me retrouver au centre de cette grande ville.


Cette jolie église me donne l’envie de m’arrêter à St Aubin de Medoc. Je vais trouver un hôtel. Tandis que je le cherche en suivant péniblement les indications du téléphone, j’ai l’honneur d’être abordée par l’inévitable Gascon vieillissant qui veut faire le malin aux yeux de la voyageuse. Je l’envoie sur les pelotes et trouve ma destination. Le grand avantage d’être en ville :j’ai pu m’acheter des cerises car autrement ; « qu’est-ce que je fous là, loin de Carnac, loin d’Ampuria avec un téléphone qui ne fait qu’annoncer des orages . Mais qui regarde trop la météo reste au bistrot ».Mais le lendemain matin, je suis prête à faire le tour du monde.


Dimanche 30 Mai
Le temps est beau et frais. Je dérive sur Bordeaux à coup de pistes cyclables mais qui ne valent pas celles de Lille, de trottoirs, de rues. Et puis, arrive le centre de Bordeaux qui est fantastique. Je tombe d’abord sur une place bordée de maisons anciennes et d’une belle église sans compter un café où bien sûr je m’arrête. Des cyclistes passent avec des bouquets de fleurs : c’est la fête des mères. Les Bordelais musent.




Ce n’est qu’une banlieue du temps passé. Un spectacle plus fascinant m’attend : la cathédrale ST Jean dans la lumière et aussi la statue de Chaban Delmas, le grand homme du pays.




Ce n’est que le hors d’œuvre. Vient ensuite la merveilleuse perspective de la Garonne. Mais je l’ai très mal photographiée. Il manque l’alignement des riches demeures des négriers. Le problème est que j’ai maintenant hâte de rouler. Un splendide véloroute m’amène directement à Sauveterre en Guyenne. Chemin faisant, j’ai dû socialiser avec les inévitables vieux Gascons : « Vous êtes allée jusqu’en Autriche madame. Mais avez-vous visité le Tyrol (j’ai 15 kg de bagages et mon vélo n’est pas électrique). Le Tyrol, c’est à ne pas manquer. J’y suis allé etc…etc… »
J’ai poussé jusqu’à La Réole. Je campe dans un camping fermé. Un vieux monsieur me saute au cou : ma présence le rassure. Il n’est pas un dissident comme moi. Il a peur que les autorités ne le fassent décamper en pleine nuit. « Mais une femme, ils n’oseront pas. » A pied, je vais prendre un pot sur le quai. Je commande mon verre de vin rouge et la table à côté, des Tout Rougaux déjà bien abreuvés me fait fête. « La Bretagne, madame, c’est la seule région avec le Pays Basque où faire la fête en France. Autrement, il faut aller en Espagne. »
Lundi 1 Juin
Depuis ce matin,, je suis sur le canal qui longe la Garonne. L’eau est verte, les arbres hauts et épais, majestueux. Il n’y a pas d’algues comme sur la Vilaine. Tout y est : écluses, péniches ports. Mais quels sauvages ! En 40kms je n’ai rencontré qu’un seul troquet. Heureusement que j’avais consulté mon téléphone à La Réole pour découvrir une boulangerie car sur ma route, il n’y a rien...
Le canal latéral m’amène jusqu’à Agen.




Et il ne me reste qu’à m’en aller dormir. Je pose mon campement sur le talus de la piste cyclable. Je puise de l’eau dans le canal car j’ai ma pipette de survie et quand je m’allonge pour le faire, l’odeur de la menthe devient intense.
Le lendemain , triste surprise, je souffre j’ai mal à la jambe, c’est inadmissible, mais je suppose qu’en roulant , tout s’arrangera. Je croise de nombreux marcheurs qui s’en vont à St Jacques de Compostelle. Les uns sont chargés, les autres non. J’arriverai bientôt à Moissac, étape importante du camino. Je m’en promets bien du plaisir car le souvenir de mes débuts en parachutisme dans ce centre qui a maintenant déménagé pour Bouloc me fait rêver.
Mais sur mon chemin, je photographie une centrale nucléaire.


C’est une autre ambiance.
Assez rapidement, je débouche sur Moissac par un temps gris. La ville me paraît plutôt moche, rien à voir avec mes souvenirs. Vite, vite, je mets le cap sur l’abbaye.






Je l’ai longuement visitée l’année dernière en rentrant de Pamiers. Aujourd’ui, je m’offre plutôt un excellent repas dans un restaurant juste en face. Et de nouveau, je suis sur la route pour rallier Toulouse
Rien à signaler jusqu’à ce que je me décide à bivouaquer. Un petit chemin s’ouvre sur le chemin de halage que je suis. Pourquoi pas ? Il débouche sur une espèce de promenade assez campagnarde. Tandis que j’examine les lieux, une vieille dame qui rentre chez elle avec les fleurs qu’elle a cueillie me fait la conversation. Planter là la tente ? Bien sûr, bien sûr. Elle n’est ni étonnée ni choquée. Que je m’installe donc ! et surtout, rien ne doit m’empêcher de goûter à ces excellentes cerises qui mûrissent juste au-dessus de mon petit chez moi. J’ai connu des bivouacs plus jolis . Mais celui-ci, en plus des cerises m’offre une belle surprise. Au milieu de la nuit, un chant délicieux me réveille. Je crois que le jour se lève mais pas du tout. La nuit est encore profonde. Mon petit chanteur s’essaie à une mélodie, puis une autre .On croirait un soliste en répétition pour un concert. C’est un rossignol.
De bon matin, je suis toute guillerette pour la suite de mon voyage. Las ! au bout de quelques kilomètres, s’attache à ma roue un exaspérant senior. Il en a à raconter le brave homme. Il roule en vélo électrique, certes mais attention, l’électricité, il ne s’en sert pas. Il en vit des aventures ! N’a-t-il pas couché la nuit dernière dans un camping à la ferme où le petit déjeuner était étonnant : œufs, saucisses et quoi d’autre encore. Et quel étonnement d’avoir rencontré tant de marcheurs sur son chemin. St Jacques de Compostelle, il ne connaît pas. La description de sa famille s’ensuit et son projet d’éviter la partie non roulante du canal du midi. Il a le bon goût de ne me poser aucune question tant il a à parler de lui-même. Nous approchons sérieusement de Toulouse et alors, un miracle se produit. A une écluse, d’autres vieux comme lui avec leurs vélos électriques se reposent. Enfin de la compagnie digne de ce nom. La bande s’envole en me plantant là avec ma carriole et mon vélo musculaire.
Après Toulouse, je découvrirai le fameux canal du Midi. Le fait est qu’il est particulier. En eau , il est chiche car aucune rivière ne l’alimente à la différence de son frère qui se goberge de la bonne rivière la Garonne mais il sent l’élégance du 17ème siècle.




C’est ce qui est drôle. Les arbres n’ombragent pas le canal à proprement parler mais la petite route qui l’accompagne. On ne hâlait pas à cette époque ? Pour ce qui est des écluses, elles ne font pas semblant.


Un pont, un simple pont fait penser au château de Versailles. Ah ! le bon temps ! Mais bien entendu, je passe trop vite. Je suis pressée d’arriver à Ferrals retrouver Céline qui m’amènera à Ampuria retrouver Marin. La vie est trop courte.
Sans approfondir les merveilles que je rencontre, après un bivouac comme je les aime parmi les fleurs et dans la solitude, je vois avec inquiétude que depuis le temps que mon téléphone m’annonce des horreurs, elles pourraient bien arriver. Il fait gris et le vent est violent.
A Castelnaudary, je quitte le canal et je ne tarde pas à me trouver dans la montagne qui m’abrite du vent. Je passe un petit col puis un deuxième puis un troisième. Ils sont de plus en plus courts mais aussi de plus en plus raides. Je monte à pied et sans doute, je n’ai pas l’air heureux car une sainte famille qui ramassait des herbes m’annonce non seulement que je suis courageuse mais aussi que je suis mon chemin de croix. Mais ensuite, je dévale vers Carcassonne et le climat a changé : je suis dans le midi, tout est riant. Il me reste à finir. Je campe au Nord de Carcassonne, Dieu sait où mais parmi les vignes .
Vendredi 5 Juin
Je suis à 47 kms de ma destination : un jeu d’enfant me direz-vous. Mais avec le vent, la mauvaise météo, on ne sait jamais. Il ne s’agit pas de rater Céline à Ferrals chez Catherine Rousset. Je file. Tout est gris mais j’ai le cœur joyeux. Dans le Minervois, les villages sont fortifiés mais habités et pour l’eau, les cimetières ne manquent pas. Les habitants prennent grand soin de leurs morts.
Je traverse de nouveau le canal du Midi et ses écluses rondes et puis, tout schuss sur Ferrals en passant un petit col et une descente magnifique que évidemment, j’ignorais totalement jusqu’à aujourd’hui. Quel est ce joli village ?






Et me voilà à Ferrals en traçant à travers de vignes qui ignorent la route et la soufflerie. Il est temps d’aller au cimetière. Catherine a fait mettre une plaque pour Dominique qui a tant aimé les Corbières et qui maintenant est au milieu de sa famille grâce à elle. C’est très émouvant ....




